Recherche par mots clés
Recherche par mots clés
Dans le cadre de la Commission d’enquête du Sénat pour l’évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies à la lumière de la crise sanitaire de la covid-19 et de sa gestion, le Conseil national de l’Ordre des sages-femmes, aux côtés de 5 autres ordres de santé, a été auditionné le 2 septembre.
Isabelle Derrendinger, secrétaire générale du CNOSF, a représenté l’instance et a notamment pu mettre en lumière le rôle des sages-femmes et les difficultés auxquelles celles-ci ont été confrontées lors de la crise sanitaire.
Vous pouvez découvrir son intervention introductive ici :
« Monsieur le Président,
Mesdames sénatrices, Messieurs les sénateurs,
Mesdames, Messieurs,
La France a traversé et traverse sa plus grande crise sanitaire depuis plus d’un siècle. Pour lutter contre la COVID19, des mesures exceptionnelles ont été prises : le monde s’est confiné, le système de santé s’est réorganisé et une partie de l’industrie s’est réorientée.
Pendant cette période hors du commun, les sages-femmes ont continué leur activité avec engagement et détermination malgré des conditions particulièrement complexes.
Alors que la crise sanitaire a imposé une interruption de l’activité médicale, il est essentiel de souligner que l’obstétrique ne se déprogramme pas et de facto ne se reporte pas.
Je veux là remercier les sages-femmes et saluer leur professionnalisme sans faille.
Il est indispensable d’exposer les conditions complexes dans lesquelles les sages-femmes ont été amenées à exercer. Pourquoi ? Pour répondre aux prochaines crises sanitaires mais aussi pour améliorer la prise en charge de la santé des femmes qui a été, comme on va le voir, négligée pendant la crise.
Tout d’abord, l’accès aux équipements de protection individuelle a été chaotique et cacophonique pour l’ensemble des professionnels de santé. Encore plus pour les sages-femmes.
Le 28 février, le Conseil national alerte les autorités de santé sur les problématiques d’accès au matériel de protection pour les sages-femmes et reçoit une réponse rassurante.
Le 14 mars, un arrêté est effectivement publié et permet aux sages-femmes de bénéficier du stock national au même titre que les autres professionnels de santé.
Le 16 mars, 48 heures plus tard, un nouvel arrêté vient contredire le précédent, omettant les sages-femmes. Le Conseil national saisit en urgence le cabinet du Ministre et la DGS pour rectification. Le soir même, un message DGS-urgent corrige cet oubli.
Néanmoins, cette dotation est symbolique car elle ne comprend que 6 masques par semaine pour les sages-femmes exerçant uniquement dans les zones à risque.
Pour rappel, le HCSP a classé les femmes enceintes au 3ème trimestre de leur grossesse comme patientes vulnérables dès le 14 mars.
Pour rappel, les sages-femmes n’ont pas interrompu leur activité.
Pour rappel, les sages-femmes ont été amenées à prendre en charge des patientes Covid+.
Cette dotation de 6 masques ne sera étendue à l’ensemble des sages-femmes que le 25 mars.
La dotation ne passera à 18 masques que le 20 avril puis à 24 masques au moment du déconfinement.
Aussi, au plus fort de la crise, les sages-femmes n’ont eu accès qu’à un nombre plus que restreint de masques, marginalisant ainsi la profession et, par extension, la santé des femmes.
Ajoutons qu’aujourd’hui encore, les sages-femmes ne bénéficient toujours pas de masques FFP2 pour prendre en charge les femmes Covid+.
Par ailleurs, la prise en compte de la périnatalité par les pouvoirs publics a été tardive. Les sages-femmes et les maternités se sont organisées difficilement avec des protocoles très différents. La question de la place de l’accompagnant pendant l’accouchement a crispé les débats et stressé les femmes et les couples faute de consignes nationales. Les réponses rapides pour la périnatalité ont été publiée très tardivement, seulement le premier avril. De plus, ces réponses rapides n’ont pas été actualisées au moment capital du déconfinement en raison d’un blocage lié à la stratégie de dotation en masques FFP2 pour les sages-femmes.
De plus, un aspect plus général dans la gestion de la crise a été la communication. Si l’exercice de communication du ministère de la santé était difficile du fait de la progression rapide de l’épidémie et de l’évolution quotidienne des connaissances, il est devenu quasiment impossible. La confusion des communications politiques, publiques et scientifiques a conduit à la cacophonie, à la perte de repères et à la décrédibilisation de la parole publique.
Dans ce contexte, l’Ordre des sages-femmes – tant au niveau national que local – s’est organisé pour soutenir et aider les sages-femmes dans leurs pratiques afin de garantir une prise en charge sécurisée et de qualité des femmes et des nouveau-nés mais également pour défendre les droits des femmes.
L’Ordre a participé à la régulation des pratiques : dès le 15 mars, nous avons adapté les consignes gouvernementales en recommandant aux sages-femmes de maintenir leur activité tout en reportant certains soins non-urgents. Nous avons publié un guide de bonnes pratiques pour le déconfinement qui est toujours en vigueur.
Dès le début de la crise, la principale mission de l’Ordre a été la communication. Devant des informations très évolutives et parfois contradictoires et pour limiter la confusion, le Conseil national a choisi de temporiser, recouper et centraliser les informations provenant de différentes sources. Nous avons mis en place une communication multimodale (newsletters, réseaux sociaux, site internet, FAQ spécifique) pour informer directement l’ensemble des sages-femmes.
D’après l’enquête flash du Collège national des sages-femmes de juillet 2020, les newsletters de l’Ordre et les DGS-urgent ont été les principales sources d’information des sages-femmes.
L’Ordre a joué un rôle de veille et d’alerte à destination des autorités en relayant les demandes, les craintes et les questions des sages-femmes. Par exemple, nous sommes intervenus pour obtenir le remboursement de la télémédecine ou, comme décrit auparavant, pour obtenir des dotations d’équipements de protection.
Historiquement engagé pour défendre les droits des femmes, l’Ordre s’est mobilisé pour augmenter les délais légaux d’accès à l’IVG pendant la crise. Les droits des femmes ne doivent pas reculer. Les sages-femmes ont contribué à maintenir l’accès à la contraception et à l’IVG afin de garantir aux femmes la possibilité de disposer de leur corps.
Durant la phase aigüe de la crise, les sages-femmes ont œuvré sans ménagement dans des conditions complexes quotidiennement. Ainsi, elles ont accompagné près de 120 000 naissances en toute sécurité pendant les 2 mois de confinement car l’activité obstétricale ne se déprogramme pas.
Fatiguées par la crise sanitaire et leur marginalisation dans la gestion de cette crise, la lassitude des sages-femmes est aujourd’hui renforcée par les conclusions du Ségur de la santé : elles se sentent plus que jamais oubliées et méprisées par les pouvoirs publics. «
Toute l’audition peut par ailleurs être visionnée en cliquant sur ce lien.