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Les maternités, faute de professionnels de santé en nombre suffisant, sont aujourd’hui à bout de forces. Les professionnels de la périnatalité alertent pourtant depuis de nombreuses années les pouvoirs publics. Ainsi, en juillet 2021, le Conseil national de l’Ordre des sages-femmes lançait un cri d’alarme sur le sous-effectif dans les maternités. Désormais, ce qui apparaissait comme un événement ponctuel se généralise : si certaines structures ferment temporairement à l’image de la maternité de Nevers, un nombre très important d’établissements, faute de personnel en nombre suffisant, recentrent ces derniers autour de la salle de naissance. Le suivi des femmes enceintes n’est alors plus garanti de même que d’autres activités pourtant essentielles comme les interruptions volontaires de grossesse. La santé et les droits des femmes sont plus que jamais menacés.
Le mal-être dans nos maternités est ancien et profond. Notre modèle périnatal est archaïque et déshumanisant : manque de personnel, manque de temps pour accompagner les patientes, manque de prise en compte des attentes des femmes et des couples, ruptures de parcours, épuisement des professionnels… Les indicateurs de périnatalité, qui se dégradent d’année en année, illustrent les manquements de notre politique périnatale.
Aujourd’hui, nos établissements de santé sont régulièrement sources de violence et de souffrance pour les femmes mais aussi pour les soignants dont l’exercice n’a que peu de sens, faute de pouvoir assurer leurs missions élémentaires d’accompagnement. Ces derniers ne veulent plus travailler dans des maternités où les conditions de travail sont de plus en plus critiques.
Ce constat dramatique, partagé par les usagers et les professionnels, n’a pourtant reçu aucune réponse forte. Nous devons nous contenter de mesures inadaptées. La question centrale de la révision des décrets de périnatalité datant de 1998 – qui définissent notamment le nombre de professionnels de santé dans les salles de naissances – a elle, été reportée malgré l’unanimité des acteurs de ce secteur. Dès lors, quelle peut être la portée d’une politique des 1000 jours, si les questions fondamentales des effectifs dans les maternités et de la construction de parcours centrés sur les besoins des femmes sont ignorées ?
Les conditions d’exercice dégradées poussent les sages-femmes à quitter les maternités et fuir la profession, diminuant les effectifs déjà restreints et créant un cercle vicieux délétère. Or, une maternité ne peut fonctionner sans sages-femmes, une profession encore trop méconnue et malheureusement négligée par les pouvoirs publics.
Leur statut et leur place évoluent en effet à la marge, de crise en crise, sans réelle considération quant aux conséquences sanitaires et sociétales de ces choix. Leurs missions et compétences s’adaptent régulièrement aux urgences de santé publique sans vision globale et sans valorisation. Ainsi, malgré les annonces, le statut inadapté des sages-femmes au sein de la fonction publique hospitalière n’a trouvé aucune réponse.
Pire, malgré la crise d’attractivité actuelle, de nombreux établissements continuent de diminuer les effectifs et de recruter les sages-femmes sous la forme de courts CDD avec des salaires proches de 1700 euros par mois sur la base d’anciennes grilles grâce aux dispositions de la fonction publique.
Dès lors, ne nous trompons pas : les autorités publiques doivent prendre leurs responsabilités. Les professionnels de santé ne peuvent être tenus responsables de la situation actuelle et des probables accidents liés à la pénurie qui surviendront.
Il est donc urgent de repenser le modèle périnatal et le fonctionnement de nos maternités. Des réponses pérennes et structurelles sont nécessaires. Elles doivent être construites avec les professionnels de santé et les usagers, répondre aux attentes des femmes et des couples tout en garantissant la qualité et la sécurité des soins. Il s’agit donc de redonner du sens à nos métiers pour briser ce cercle vicieux. Ces mesures doivent également s’accompagner d’un choc d’attractivité : il est plus que jamais temps de donner aux sages-femmes un statut et un positionnement conformes à leur rôle, quel que soit leur mode d’exercice.
Dans l’immédiat et pour limiter les conséquences de cette situation catastrophique, il est nécessaire d’utiliser l’ensemble des leviers disponibles : recrutement sur contrats longs et grilles récentes, titularisations rapides… Pour cela, nous appelons le gouvernement à mettre l’ensemble des acteurs autour de table pour trouver des réponses rapides et éviter le pire.
Si l’émancipation des femmes et l’égalité entre les femmes et les hommes est réellement une grande cause sociétale, il est plus que temps d’accorder à la périnatalité et à la santé des femmes des moyens suffisants.
Isabelle Derrendinger
Présidente du CNOSF