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Un rapport de l’Académie de médecine préconise la fermeture de 111 structures, des recommandations qui, si elles ne sont pas partagées par le Ministère, n’ont pas manqué de susciter de nombreuses réactions.
Interview d’Isabelle Derrendinger, présidente du Conseil national de l’Ordre des sages-femmes :
Le 28 février, l’Académie de médecine adoptait un rapport préconisant la fermeture de 111 maternités. Que pensez-vous de cette proposition ?
Décréter la fermeture des structures qui connaissent une crise démographique sévère comme unique solution aux problèmes des maternités est illusoire. La problématique est plus complexe que cela puisque ce sont l’ensemble des structures qui sont touchées par une pénurie de soignants. Les difficultés de recrutement touchent aussi les maternités de plus de 3.000 accouchements.
Les préconisations de ce rapport se confrontent à des questions très concrètes : comment accueillir plus de femmes dans des structures existantes alors que la place manque déjà et que les taux d’occupation de certaines maternités sont au-delà de 100% ? Les soignants souhaiteront-ils y rester ou venir y exercer ?
Ces solutions n’en sont pas, elles sont un raccourci visant à traiter les symptômes de la crise des maternités et ne répondent pas à l’enjeu de l’attractivité des métiers de la périnatalité. En effet, les causes de ce recul d’attractivité sont multiples et complexes : sens de l’exercice, reconnaissance et valorisation mais aussi conditions de travail dégradées. Toutes ces causes doivent être traitées.
Le Conseil national a-t-il été consulté pour la rédaction de ce rapport ?
Ni l’Ordre, ni aucune organisation représentative de sages-femmes ou d’usagers n’ont été associés à la rédaction de ce rapport, ce qui nous permet d’en interroger sa légitimité.
Aujourd’hui, il est impossible de rédiger des recommandations quand les principaux acteurs concernés ne sont ni consultés, ni même informés. D’ailleurs, depuis la communication des éléments de ce rapport dans la presse, de nombreux soignants, élus et structures ont exprimé une vive inquiétude quant aux conclusions de celui-ci.
Aussi, l’Ordre a partagé sa position avec le cabinet du ministre de la santé et de la prévention, qui a précisé que ce rapport n’était pas une commande ministérielle et que, si les constats sont partagés, ce n’est pas le cas des recommandations formulées.
Quelles sont vos préconisations pour répondre à la problématique des maternités ?
Rappelons tout d’abord ce que le Conseil de l’Ordre dénonce depuis longtemps : nous n’avons plus de politique périnatale depuis des années, le dernier plan périnatalité ayant effet été publié en 2004. Nous payons aujourd’hui le prix fort de l’absence de stratégie nationale périnatale et plus globalement en santé des femmes.
Les petites structures ferment de façon erratique, l’attractivité des établissements – et notamment des plus grosses structures – est en chute libre, le mal-être des soignants augmente et les aspirations des femmes à une approche plus personnalisée ont de moins en moins de chances de se matérialiser.
Il ne peut y avoir de solution toute faite. Il faut construire une véritable stratégie, repenser la périnatalité et le parcours des femmes en prenant en compte leurs aspirations et répondant aux attentes des professionnels. Un tel plan ne peut être mené qu’avec l’ensemble des instances et acteurs concernés, sous l’égide du gouvernement. C’est pourquoi nous appelons depuis des années à des Assises de la santé de la femme.
A partir du mois d’avril, la mise en œuvre de l’encadrement de l’intérim médical va être problématique pour de nombreuses structures. Comment les pouvoirs publics s’y préparent ?
Si la régulation de l’intérim médical est une mesure juste, le manque de préparation pour sa mise en œuvre et l’absence d’étude d’impact soulèvent de nombreuses interrogations et craintes. Si cette mesure était prévue depuis 18 mois, la situation laisse à penser que les ARS et les établissements ne semblent pas en avoir pris conscience.
A titre d’exemple, à ce jour, aucune cartographie des risques n’a été réalisée.
C’est pourquoi l’Ordre a fait remonter les inquiétudes des professionnels au cabinet du Ministre, qui prévoit 2 mois difficiles sans pour autant apporter de garanties sur la continuité du fonctionnement de nombreuses maternités, qu’elles soient petites ou grandes. De surcroit, cette échéance coïncidera avec la période estivale, dont nous connaissons désormais l’impact dramatique en termes d’effectifs et de continuité des soins. Nous avons également demandé au Ministère que la situation des maternités soient connues des femmes et des familles, la transparence étant indispensable dans ce contexte incertain.